En 2019, l’Académie avait proposé au maire de Bordeaux, protecteur de l’Académie, de remettre chaque année le Grand prix de l’Académie lors d’une cérémonie dans les salons de l’Hôtel de ville. En raison de la crise de la Covid, cette première remise par le maire n’a pu se faire qu’à partir de 2022.
Le Grand prix de l’Académie récompense chaque année une personnalité, une œuvre ou l’ensemble d’une œuvre dans le domaine des sciences, des arts ou des belles-lettres. Pour l’année 2023, l’Académie a choisi de couronner une œuvre monumentale sur l’histoire des musées, en trois volumes, réalisée par l’historien, le philosophe et essayiste franco-polonais Krzysztof Pomian.
La cérémonie de remise de ce Grand prix s’est déroulée dans les salons de l’Hôtel de ville le mardi 10 décembre. Après la remise du Grand prix ont été ensuite remis le prix de l’Office de tourisme par la présidente de l’Office puis le prix d’honneur par le président de l’Académie.
Le maire Pierre Hurmic, après avoir rappelé son attachement à l’Académie en qualité de protecteur, a présenté le lauréat du Grand prix, le professeur Krzysztof Pomian, puis son histoire mondiale des musées pour laquelle il recevait ce Grand prix 2023.
Né à Varsovie en1934, Krzysztof Pomian a fait ses études, a soutenu ses thèses de doctorat puis a enseigné à la faculté de philosophie de l’université de Varsovie. Exclu en 1966 du Parti ouvrier unifié polonais (POUP) et privé en 1968 de son poste d’enseignant en raison de ses positions hostiles à la politique du régime communiste, il a émigré en France en 1973. Il a fait toute sa carrière au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), tout en enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à l’École du Louvre, à l’université de Genève et dans d’autres universités étrangères. Ses recherches ont porté sur l’histoire de la culture européenne, en particulier sur « l’histoire de l’histoire » ainsi que sur l’histoire des collections et des musées. Il est membre de nombreux comités scientifiques de revues et de musées ; il est directeur scientifique du Musée de l’Europe à Bruxelles. Il préside plusieurs jurys de prix. Il est aussi membre de l’Académie polonaise des arts et des lettres.
Son histoire des musées à la fois politique, sociale et culturelle est une œuvre qui n’avait jamais été réalisée. Le premier volume Du trésor au musée part du passé lointain pour arriver à la création de l’institution appelée « musée », inventée en Italie à la fin du XVe siècle, puis qui a gagné toute l’Europe au XVIIIe siècle. Cette histoire originelle est faite de recherches, de fouilles, de dons, de vols et de pillages, de guerres et de diplomatie. Elle raconte aussi les manières de contempler et de manier les objets, les problèmes techniques, juridiques et d’organisation des premiers musées.Le second volume traite de L’ancrage européen, 1789-1850. Il est d’abord consacré à la France : il passe en revue tous nos musées dans la période révolutionnaire et impériale. Puis il traite des musées des nations de 1815 à 1850, ceux d’Espagne, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et du Danemark.
Le troisième tome intitulé À la conquête du monde, 1850-2020 s’ouvre sur le long siècle d’or des musées avec la première Exposition universelle organisée à Londres. Deux fois interrompue par les guerres mondiales, la montée en puissance des musées atteint son apogée dans la seconde moitié du XXe siècle.
Aujourd’hui on compte quelques cent mille musées à travers le monde, pour une large part aux États-Unis, mais ils se sont aussi multipliés, à des degrés fort inégaux, sur tous les continents. Ils ont fait place à toutes les manifestations de la créativité humaine. Pour un public global de plusieurs dizaines de millions de personnes chaque année, leurs collections s’enrichissent, leurs surfaces s’étendent, en même temps que leur architecture a abandonné l’ancien modèle du palais et du temple pour des formes inédites.
Le maire a remis un diplôme et la médaille de l’Académie au professeur Krzysztof Pomian qui dans son allocution a remercié l’Académie et a évoqué son ouvrage tout à fait exceptionnel.

Après le Grand prix, il a été procédé à la remise du prix de l’Office de tourisme et des congrès de Bordeaux métropole à Mathias Cisnal pour son ouvrage Mériadeck. Parcours en ville.
Créé par le Syndicat d’initiative en 1957, ce prix récompense un ouvrage historique, littéraire ou artistique, ayant pour sujet principal Bordeaux et contribuant au développement touristique de la ville. Il est doté par l’Office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole.
Au cœur de Bordeaux, le quartier de Mériadeck offre un contraste moderne au classicisme de la ville historique. Des marécages du 15ème siècle au monastère des Chartreux bâti par l’archevêque François de Sourdis en 1608, des travaux d’assainissement de Ferdinand Maximilien Mériadec de Rohan en 1772 jusqu’à la restructuration du quartier dans les années 1960, cet îlot dans la ville a toujours eu ses particularités. En 1955, Jacques Chaban-Delmas avait décidé de rénover ce quartier, alors considéré comme insalubre. Projet phare de la municipalité, le quartier Mériadeck fut à l’époque l’une des opérations urbanistiques les plus importantes de France.
Mathias Cisnal, architecte, spécialiste de Mériadeck, raconte l’histoire de ce quartier, sa transformation à partir des années 60. Il explique le principe innovant de l’époque : l’urbanisme sur dalle qui sépare les flux de circulation automobile des flux de déambulation piétonnier. Il détaille et commente le vocabulaire architectural et urbanistique du quartier qui n’est pas toujours bien compris, ni apprécié, et qui d’ailleurs fait toujours débat.
À travers trois parcours détaillés, précédés d’une rétrospective de l’histoire de Mériadeck, ce guide propose de découvrir, ou de redécouvrir, l’un des projets urbanistiques les plus ambitieux du milieu du XXe siècle.
C’est madame Brigitte Bloch, présidente de l’Office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole, conseillère municipale pour le tourisme et l’économie du vin, qui a remis son prix avec une médaille de l’Académie et la dotation de l’Office de tourisme à Mathias Cisnal, en présence de M. Xavier Rozan directeur du Festin qui a publié ce guide récompensé par l’Académie.

A ces remises du Grand prix puis du prix de l’Office du tourisme, s’est ajoutée celle du prix d’honneur 2023 de l’Académie à la professeure Anne-Claude Crémieux pour son ouvrage Les citoyens ont le droit de savoir.
Pointure de l’infectiologie, la professeure Anne-Claude Crémieux est intervenue dans les médias tout au long de la pandémie de la Covid pour informer le plus largement possible le public. Elle a cherché dans son livre, forte de cette expérience, à préparer le public comme les autorités en vue des prochaines crises en répondant à une trentaine de questions simples.
Pourquoi les gouvernements semblent-ils toujours reproduire les mêmes erreurs lorsqu’ils sont confrontés à une crise sanitaire ? Comment faire face à des situations imprévisibles ? Pourquoi sommes-nous plus vulnérables aux pandémies aujourd’hui qu’hier ? À travers ces 30 questions, elle donne les clés pour comprendre les crises sanitaires du XXIe siècle et essayer d’y faire face du mieux possible.
La professeure Anne-Claude Crémieux a été parmi les infectiologues les plus sollicités par les médias pendant la crise de la Covid-19. Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, elle est professeure en maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis, université Paris Cité. Pierre Haroche a contribué à la rédaction de cet ouvrage : il est docteur en science politique, chercheur en sécurité européenne à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire.
C’est le président de l’Académie, M. Jacques des Courtils, qui a remis ce prix d’honneur avec la médaille de l’Académie à Mme Anne-Claude Crémieux. Dans son allocution de remerciements, elle est revenue sur l’objectif qu’elle s’était fixé en rédigeant son ouvrage.
« Je savais, pour avoir vécu des crises sanitaires, que l’information du public est essentielle. Mais ce que j’ai appris pendant ces deux dernières années, c’est ce que m’ont dit les personnes qui m’arrêtaient dans la rue : Même quand vous nous annonciez des mauvaises nouvelles, vous nous rassuriez. La vérité rassure, même quand elle est inquiétante. Mon objectif a été d’éclairer le public sur ce qu’il a vécu, sur ce qui a été bien fait comme sur les erreurs. Expliquer ce que nous savons mais aussi ce que nous ne savons pas. Jamais la vie quotidienne des citoyens n’a été autant bouleversée par une crise sanitaire. Ils ont le droit de savoir ».

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